Pierre Ducos a habité dans cette école de 1934 à 1941. Il nous apporte les renseignements
suivants : « La première école a probablement été installée dans une ferme, peut-être
représentée sur le cadastre napoléonien (1806). On peut penser qu'il s'agissait,
comme pour la plupart des fermes du village, d'une maison de maîtres, avec un étage
(celle de la carte postale), et deux corps de bâtiment sans étage. L'un adjacent
à l'est, l'autre dans la cour nord, contre la route. En 1887, il y avait bien une
école de une classe de garçons et une classe de filles, avec un instituteur et une
institutrice logés. La classe de garçons était aussi la classe de la mairie et devait
occuper le bâtiment adjacent à l'est, la classe de filles étant dans le bâtiment
de la cour nord. Ma mère a été nommée en 1934 directrice de l'école de filles, qui
venait sans doute d'être agrandie d'une salle neuve pour les plus grandes, sur le
bord nord de la cour nord. J'avais deux ans. L'école de garçons était dirigée par
Alphonse Rouch. Son épouse s'occupait de la classe enfantine, avec garçons et filles.
Mon père était instituteur à l'école Voltaire à Tarbes. Au début, le logement des
deux couples d'instituteurs était en cours d'aménagement dans le bâtiment à étage
et les deux premières années furent dans des conditions de logement précaire, mais
provisoire. Un terrible orage de grêle en 35 ralentit un peu les travaux, toutes
les toitures du village avaient été endommagées. Quoiqu'il en soit, à la rentrée
de 1936, les deux couple d'instituteurs purent s'installer dans leur logement définitif.
Par la suite, enfin, un petit bâtiment fut construit pour le dispensaire. Je ne sais
pas depuis quand le couple Rouch était sur place, mais certainement avant la famille
Ducos. Mes souvenirs sont assez précis pour que je puisse faire le plan de l'ensemble
de ce groupe scolaire, disons tel qu'il était en 1937. Alphonse Rouch était un sportif.
Il avait été dans l'équipe du Stado, à un poste d'avant, qui avait remporté le championnat
de France en 1920. Il développa autant qu'il le put les activités physiques de la
classe des garçons. Dans le pré, il fit une piste cendrée pour nous faire courir
et fit poser deux poteaux de basket. Nous pratiquâmes ainsi un sport nouveau, le
basket sur gazon. Il fit aussi un portique d'agrès, avec corde lisse, corde à noeuds,
trapèze, anneaux et balançoire! Assez tourné vers les actions sociales, il nous fit
des séances de cinéma dans la salle de classe mais aussi pour le village dans la
cour sud. C'était le début du parlant, et le son était évidemment très mauvais. D'ailleurs,
c'était en anglais et les gens parlaient tout le temps. Ce furent de grands moments,
mais l'Europe s'écroulait. J'ai le souvenir d'avoir entendu chevroter le Maréchal,
pendant qu'il commençait à rafler les juifs après avoir serré la main du Führer.
Le Docteur Guinier venait faire la visite médicale des écoliers et nous vaccinait
(contre la dyphtérie, terreur des mères, et la variole, bien entendu). Son cabinet
était à Séméac, dans une petite rue qui porte aujourd'hui son nom: résistant, il
fut arrêté, déporté à Buchenwald et ne revint jamais. Pendant l'hiver 40, deux régiments
vinrent successivement cantonner dans l'école: un régiment d'artilleurs puis des
aviateurs. Ils partirent en mai. Je trouvais un casque et un fusil oubliés. Je m'en
coiffai et présentai les armes. Coïncidence, c'était en juin 40. En août, une nuit,
un petit avion, partit, sans doute pour Londres, de l'aérodrome de Laloubère avec
deux jeunes hommes à bord. Il s'écrasa en flammes pendant la nuit, après avoir cherché
en vain à se poser. J'ai vu l'épave calcinée de l'avion, sur la route de Laloubère,
à la sortie de Soues. 20 m plus loin, il y avait une mare qui aurait pu leur sauver
la vie. Aujourd'hui, entre deux villas, il y a un petit monument avec leur nom. A
l'automne 41, nous avons déménagé pour l'école Michelet, dont ma même avait été nommée
directrice. L'Europe continuait à s'écrouler. »