wpf41bb90b.png
Revenir à la page "Ecoles du 65".

Pourquoi toutes ces écoles

construites vers 1880 ?

1870 : La défaite, et même l’humilation, de la France par la Prusse représente une date charnière de l’Histoire de France. Occultée dans les livres d’histoire par les guerres de 14-18 et 39-45, cette période dite de la IIIème République a permis la plus grande manipulation des consciences (on pourrait même dire « bourrage de crâne ») de toute notre Histoire. L’école de la République y joua le premier rôle. Explications.

En 1870, la France perd une guerre qu’elle a elle-même déclaré à la Prusse. C’est la fin définitive de l’Empire pour le début de la IIIème République.


Les autorités Françaises trouvent alors des explications à la débâcle :

- Nos soldats étaient moins nombreux et moins bien préparés que les Allemands.

- Certains soldats ne comprenaient pas les ordres, parlant uniquement le Breton, le Basque, le Flamand, ou encore le Gascon…

- Certains soldats, même des sous-officiers, ne savaient pas lire.

- Enfin, ils n’avaient peut-être pas tous la motivation nécessaire…

Il est intéressant de constater que cette carte a circulé en 1912, preuve d’une cicatrice jamais refermée.

La guerre de 1870

On va créer des écoles

Les travaux de l’école de Larreule (Hautes-Pyrénées) commencent en 1883. Le buste d’Eugène Ténot sera même inauguré par Jules Ferry en personne en 1890.

Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction Publique, met en place toute une série de lois scolaires. Des écoles sont créées partout, même dans les plus petits villages de France ou certains hameaux. On trouve souvent la Mairie dans le même bâtiment.


L’histoire retient surtout que l’école devient laïque, gratuite et obligatoire à partir de 1881. Mais le but réel est surtout de former les futurs soldats de la revanche, avec l’abandon des langues régionales, l’apprentissage du français, du calcul, une certaine vision de l’Histoire de France, de la morale civique et même des maniements d’armes (voir bataillons scolaires un peu plus bas sur cette page).

La morale religieuse est remplacée à l’école par la morale civique. On n’apprend plus à aimer Dieu, mais la Patrie. « Patrie » va même devenir le mot le plus important de la IIIe République

Un cahier d’élève.

Une chanson :


Guillaum’ si tu continues,

De tous les Prussiens

I n’en restera guère


Guillaum’ si tu continues,

De tous les Prussiens

I n’en restera plus.


Guillaume, c’est Guillaume 1er d’Allemagne, empereur de Prusse.


De nombreuses récitations évoquent la Patrie, le devoir, la conscience ; elles sont suivies d’une leçon de morale et d’une maxime du style : « Gloire à ceux qui sont morts pour la France » ou « On n’est jamais si content que quand on a rempli son devoir ».

Même les enseignants, ces « hussards noirs » de la République sont bien conditionnés, comme en témoigne ce momument élevé à la mémoire de trois instituteurs fusillés en 1870, érigé devant l’Ecole Normale elle-même, à Laon en Picardie. Le monument sera détruit par les Allemands en 1917.

Affichage dans la salle de classe.

« Quand l’école de la République préparait les enfants à la guerre de 1914 »

L’état d’Esprit dans les Hautes-Pyrénées

L’état d’esprit des Bigourdans est le même qu’ailleurs. L’esprit est à la revanche. Le mieux est d’analyser les trois seuls monuments aux morts de 1870 de notre département :

Vic-en-Bigorre 1894. Cette statue de Desca est le plus ancien monument aux morts du département. Son titre « La Revanche » est sans équivoque.

voir d’autres photos

Tarbes 1913. Ce groupe intitulé « La Défense » a rejoint en 1919 le Monument aux morts du département sur les Allées. Il représente la Patrie qui arme d'une épée un haut-pyrénéen pour une revanche de 1870.

voir d’autres photos

Bagnères-de-Bigorre 1913. Cet ensemble, situé au cimetière était autrefois place des Vigneaux. Un enfant prête serment de vengeance devant un mort de 1870. La République lui pose une main sur l’épaule.

voir d’autres photos

L’Histoire de France enseignée à l’école

Un livre a révolutionné la manière d’enseigner l’Histoire à l’école. C’est le « Lavisse ». Avec ses gravures, il fait la part belle aux héros de la France. Nous vous reproduisons ci-contre le passage qui concerne la guerre de 1870, c’est ce qu’on appelle motiver les troupes ! Ce livre a bercé des générations entières d’élèves. C’est une Histoire de France romancée, positiviste, qui a contribué a répandre une sorte de mythologie de l’Histoire nationale.

Cours d’histoire à l’école. L’instituteur montre à ses élèves en 1887 la « tache noire » sur la carte : c’est bien sûr l’Alsace et la Lorraine qu’il faut reconquérir. Au fond de la classe, un râtelier de fusils scolaires. Un élève est même médaillé, signe qu’il a réalisé quelque acte héroïque.

Même de nos jours, au XXIème siècle, ce genre de gravures est encore utilisé par les enseignants pour leurs cours d’Histoire. C’est d’ailleurs tellement ancré dans les mentalités que les Français eux-mêmes ont une passion affective pour les héros battus (exemple de Poulidor, préféré à Anquetil).

Les affiches scolaires montrent des personnages de l’Histoire de France, battus mais héroïques et surtout résistants. Comme ce Vercingétorix représenté plus grand que Jules César.

Jeanne d’Arc, affiche de 1887.

Vercingétorix, affiche de 1899.

Roland à Roncevaux.

La lecture enseignée à l’école

L’équivalent du Lavisse, mais pour la lecture, c’est cet ouvrage qui raconte le Tour de France de deux enfants. Publié par les éditions Belin en 1877, ce manuel sert à l’origine pour l'apprentissage de la lecture du cours moyen des écoles de la IIIe République. Son succès est tel qu’il atteint un tirage de 7,4 millions d'exemplaires en 1914. L’ensemble relate le périple de deux enfants, André et Julien, qui, à la suite de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par les Prussiens et du décès de leur père (charpentier lorrain et veuf de bonne heure), partent à la recherche d'un oncle paternel à travers les provinces françaises. Ce livre très patriotique vise à la formation civique, géographique, scientifique, historique et morale de la jeunesse, qu’il faut aussi préparer à reconquérir l’Alsace et la Lorraine.

La guerre des boutons est un autre ouvrage que nous devons citer : c’est est un roman écrit par Louis Pergaud, instituteur, et publié en 1912. Il décrit la « guerre » que se livrent les bandes d'enfants de deux villages rivaux dans la campagne franc-comtoise de la fin du XIXe siècle. Le roman commence avec humour et innocence, mais on retrouve vite plusieurs thèmes de la Troisième République française : le conflit entre l'Église et le mouvement anticlérical, l'esprit revanchard, l'instruction civique à la Jules Ferry, etc.

Le 20 octobre 1881, Jules Ferry, signale aux Préfets, qu’un crédit de 1 000 000 F. vient d’être ouvert au budget du Ministère de la Guerre en vue de la fabrication de fusils destinés à l’enseignement du tir. Toutes les écoles publiques en seront pourvues. Les élèves âgés de plus de 11 ans pourront seuls être exercés au maniement de l’arme. Il est bien évident que le fusil d’exercice ne doit pas être susceptible de recevoir une cartouche; il doit néanmoins se rapprocher autant que possible du modèle en usage dans l’armée.

Les bataillons scolaires

Là, c’est quasiment un épisode oublié de l’histoire scolaire. C’est compréhensible, car les instructions d’aujourd’hui insistent tellement sur les notions de non-violence et de respect à l’école qu’on n’ose plus montrer ces images d’écoliers tenant les armes. C’est vrai que ce n’est pas vraiment de bon goût… mais ça fait partie de notre histoire. Les plus petits élèves se contenteront, eux, d’exercices de marche, d’alignement et de formations de pelotons.

Le premier bataillon scolaire de Tarbes est créé le 14 novembre 1882 (décret préfectoral). 99 élèves de la rue Desaix seront rejoints plus tard par 26 élèves de la rue de Bordères, 6 de l’ecole annexe, 26 de Bordères-sur-l’Echez et enfin 62 élèves de Juillan. Il fallait en effet un effectif d’au moins 200 élèves pour former un bataillon scolaire.


Le bataillon scolaire de Bagnères sera constitué des enfants de toutes les communes environnantes (Campan, Pouzac, Labassère, Asté, Trébons, Gerde, Mérilheu en plus des élèves de Bagnères).


Même chose pour Lourdes, Lannemezan, Maubourguet… qui auront aussi leur bataillon.

Le service militaire

Après avoir bien conditionné les enfants, il faut s’occuper des jeunes adultes. Là, de nombreuses casernes et camps d’entraînement seront créés partout en France, notamment à Tarbes qui possédait déjà le quartier Larrey (1854). Ainsi verront le jour le quartier Soult (1879), le quartier Reffye (1879), le camp de Ger (1870) et l’Arsenal (1870). voir notre page spéciale.

Une date, parmi d’autres, sur le site de l’ancien Arsenal de Tarbes (photo 2014).

Tous les jeunes garçons sont appelés sous les drapeaux et effectuent leur service militaire. La loi militaire prévoyait en 1890 :

« L’obligation du service militaire est égale pour tous. Il a une durée de 25 ans.

Tout français reconnu propre au service militaire fait partie successivement :

- De l ‘armée active pendant 3 ans.

- De la réserve de l’armée active pendant 7 ans.

- De l’armée territoriale pendant 6 ans.

- De la réserve de l’armée territoriale pendant 9 ans ».

Quand la guerre est déclarée en 1914, les Français se sentent confiants et bien préparés. C’est sûr : la guerre sera de courte durée. Nos soldats sont un peu anxieux et contrariés par le départ au mois d’août (beaucoup sont paysans et c’est le temps des récoltes), mais devant la foule, ils sourient et bombent le torse. On dit qu’ils sont partis « la fleur au fusil ». On sait ce qu’il est advenu…


Voilà donc pourquoi tous nos villages ou presque ont eu leur école dans les années 1880-90. L’école de Jules Ferry, louée à juste titre car l’enseignement dispensé devenait laïc, gratuit et obligatoire était ,en vérité, chargée de former de bons petits soldats et bien les préparer à l’inévitable revanche.

La guerre en 1914

À partir des années 1890, l'engouement semble passé, les critiques se font de plus en plus virulentes au sein du corps enseignant et les dépenses engendrées par les bataillons grèvent le budget des communes. L'activité des bataillons scolaires cesse progressivement entre 1890 et 1893. C’est pour ça qu’on trouve peu de photographies.

Une école à Villepreux, dans les Yvelines.

La Marseillaise

Ce n’est pas par hasard que la Marseillaise redevient hymne officiel de la France en 1879. Pourtant créée en 1792, la Marseillaise avait été abandonnée en 1804. Mais les paroles semblent avoir été inventées sur mesure pour la IIIème République avec son « Allons enfants de la Patrie » mais aussi « Aux Armes Citoyens ». Un passage illustre bien le sentiment que ressentent les Français pour les Prussiens : « Ils viennent jusque dans vos bras, égorger vos fils, vos compagnes ».

A noter que la Marseillaise remplaça l’hymne non officiel du Second Empire « Partant pour la Syrie », composé par la reine Hortense.

Revenir à la page "Ecoles du 65".

Des cartes postales

Voici quelques cartes qu’on pouvait envoyer à la famille ou à ses amis. Sans commentaires…